Interview de Jean-Christophe alias Urbanbike

Aujourd’hui j’interviewe Jean-Christophe, le rédacteur de Urbanbike. Ses centres d’intérêt tournent autour de l’image fixe, de l’architecture et… de l’écriture en utilisant le format Markdown bien entendu.

Est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?

Pfffff…!
Je peux être disert sur nombre de sujets (…je pense même que tes lecteurs vont vite décrocher en lisant ce long interview à distance, pandémie oblige).
Par contre, je ne le suis pas à mon propos ! Les plus curieux peuvent se référer à cette page.

Un indice néanmoins : mon premier ordi était un Apple Lisa…

Comment as-tu découvert Markdown ?

Ah, excellente question…!

J’y suis venu en testant… Byword en mars 2011, un traitement de texte minimaliste qui proposait du RTF et du Markdown.

Leur site offrait une page dédiée à ce balisage qui existe toujours : je l’ai lue et suis tombé sous le charme.

Et ce bien après mon voisin développeur, Marc Autret, qui l’employait depuis sa mise à disposition, ce que j’ai appris au détour d’une conversation…! Bref, j’y suis venu par hasard mais cela a été un coup de foudre…

Qu’est ce que tu utilisais avant et avec quels problèmes ?

Je ne vais pas me lancer dans une thèse portant sur l’archéologie des traitements de texte…! Effectuons un retour autour des années 80…

Je suis autodidacte, j’ai découvert les machines à écrire en effectuant mon service militaire…!

Puis je les ai croisées à nouveau quand j’ai travaillé comme graphiste freelance pour réaliser des présentations visuelles au bureau de Paris de McKinsey.

Ce fut d’ailleurs ma première rencontre avec la Composhère IBM et avec la possibilité de conserver le contenu d’une page saisie sur une carte magnétique avec la version dédiée.

La nuit, quand il fallait corriger les présentations en l’absence d’opérateur, je me suis retrouvé à tapoter sur le clavier et à jouer des sphères pour saisir les modifications sur des feuilles de baryté, des papiers spéciaux avec une couche de kaolin.

Nous découpions ensuite les pavés des modifications au cutter avant de les placer (…à la gutta et à la pince à épiler) en s’aidant d’une table lumineuse en repérage sur les parties erronées…! C’était l’époque des mille feuilles…!

En 1984, toujours indépendants, nous avons — mon associée et moi — investi dans un Apple Lisa 2 qui devint, quelques mois après, un Macintosh XL. Cet ordinateur proposait Lisa Office System 7/7 avec LisaWrite et, avant tout, LisaDraw (…puis MacDraw) pour réaliser — à l’écran — toutes ces opérations.

Plus rapide que de tracer à l’encre de chine nos graphiques. Et, coté corrections, c’était le jour et la nuit.

Seul souci, la sortie de ces documents, problème qui fut résolu avec l’apparition de la Laser Writer dès 1985…

Là, je parle d’un temps que les moins de quarante ans, etc. J’ai résumé cette période ici.

Après (…je vais faire court, si, si…), ce fût… MacWrite en 1984, Word en 1985, WriteNow, Nisus Writer et même WordPerfect for Macintosh en 1988. Ou encore WriterPlus développé par Roger Rainero.

Puis de applications de PAO comme PageMaker, XPress, InDesign mais surtout FrameMaker, un produit fabuleux avec son MIF (Maker Interchange Format) qui est malheureusement sorti du monde Mac en 2004 après avoir été racheté par Adobe en 1995.

Quelle est ta raison numéro 1 pour l’utiliser ?

Markdown ?
En premier lieu, l’extrême simplicité de son balisage qui s’avère facile à mémoriser et à employer même en l’absence d’un traitement de texte dédié…
Ensuite, sa capacité à exporter un texte balisé dans plein de formats, du HTML à DOCX en passant par le format PDF. Dans mes usages, le fichier Markdown reste la source… En troisième lieu, ne pas être un format propriétaire…! Enfin, argument loin d’être vain, le poids plume des fichiers…!

As-tu une fonction préférée avec Markdown ou au contraire une qui te fait défaut ?

Je suis un fanatique des notes de bas de page car elles me permettent d’écrire des billets à plusieurs niveaux de lecture (les précisons — ou mes mauvaises vannes — sont dans ces notes).

J’ajoute une précision : en cours d’écriture, je déteste employer les notes de bas de page imbriquées (ou inline footnotes) que je les trouve peu pratiques : j’aime relire et corriger mes notes regroupées en bas du document… et non remonter dans le texte ou ouvrir un container.

Ce qu’il me manque…?
J’adore les balises additionnelles dans Markdown XL et proposées exclusivement par Ulysses, des marqueurs qui me permettent, au sein d’un texte, d’ajouter sans crainte des notes personnelles (…infos clefs, numéros de téléphone, code d’accès et autres précisions pratiques à avoir sous les yeux), notes qui ne seront pas exportées…!

Comment écris-tu? Quel est ton matériel de prédilection pour cette tâche? As-tu un endroit ou un moment préféré pour le faire ?

J’écris n’importe où, sur mon iPhone en priorité vu que je l’ai toujours dans ma poche.

J’aime employer un Apple Pencil pour écrire à la main — avec reconnaissance de mon écriture — sur mon iPad en utilisant l’excellent Nebo dans le cadre d’un premier jet que je balise ensuite en Markdown.

Mais je prends mes notes directement dans Drafts, notes que je peux structurer avec des liens wiki, des tags ou regrouper au sein de cette app qui tourne sous macOS et iOS

J’exporte ensuite ces notes vers d’autres applications comme Ulysses ou encore iA Writer quand je veux me concentrer sur mon texte. Au quotidien, je me sers également de Day One de Paul Mayne qui est ma mémoire chronologique avec plus de 13 000 entrées.

Actuellement, je teste Obsidian sur Macintosh. Mon fils m’a incité à l’essayer car cette application lui permet de visualiser le nuage de liens de toutes ses notes de recherche (il est docteur en neurosciences) et, surtout, de relier des PDF à l’ensemble.

Aurais-tu une ou deux astuces d’écriture (productivité, …) dont tu pourrais nous faire bénéficier ?

Productivité ?!
Déjà, ne pas faire ce que je fais…!
Se concentrer sur un ou deux outils de traitement de texte au lieu de se disperser en testant mille produits…!

90 % de ce que j’écris l’est sur Drafts qui me laisse une liberté totale pour paramétrer des scripts et actions, construire mes propres barres additionnelles…

J’utilise insuffisamment iThoughts qui offre pourtant la possibilité de réaliser des cartes heuristiques que l’on peut exporter en Markdown, même si l’inverse est également vrai.

On peut élaborer une structure en Markdown puis l’exporter depuis Drafts vers iThoughts ou l’un de ses concurrents par exemple.

De plus en plus d’outils de Mind-Mapping supportent Markdown : ces cartes heuristiques sont, à mes yeux, des visualisations plus ludiques du mode plan que j’avais découvert dans Word naguère, la boucle se ferme !

Certaines personnes lisant ce blog ont pour projet d’écrire un livre. Tu as as chroniqué des centaines. Si tu avais un seul conseil à leur donner pour leur future ouvrage, quel serait-il ?

Le premier produit qui m’a épaté pour ce faire fut Daedalus touch sous iOS et son épatante gestion de feuillets, ce dès 2011…
Puis la version de Ulysses en 2013 qui reprenait cette gestion par assemblage de fragments de textes avec export en ePub ou DOCX avec des CSS personnalisables…

J’ai eu l’occasion de rédiger un long dossier dans le cadre d’une affaire juridique avec Ulysses et j’ai apprécié de scinder des textes ou inversement de procéder à des fusions tout en conservant le balisage Markdown et, en l’occurence, le Markdown XL. Mes nombreux feuillets (plus de 1500) étalent truffés de notes de travail qui, lors de l’export, sont restées exclusivement dans mon dossier de travail…

Précurseur, tu as écrit il y a 15 ans Travailler chez soi, illustré par Lukino. Cet ouvrage dont vous offrez généreusement la lecture sur ton site n’a pas pris une ride et a révélé sa justesse en 2020 avec le boom du télétravail. Quel conseil donnerais-tu à ceux qui subissent aujourd’hui le télétravail ?

J’ai commencé très tôt à développer le télétravail dans notre petite entité, dès la disponibilité du RNIS et des premiers modems (ceux d’EURONIS… développés par Jean-Christophe Istin) pour échanger de Mac à Mac à deux fois 64 K…! Cela a changé notre vie, amélioré notre quotidien de mercenaires graphiques

Sans rentrer dans les détails, l’essentiel est de trouver un coin où s’isoler de sa tribu… Certes, avec du wifi, on peut envisager un nomadisme au sein de son propre logement mais ce n’est pas la panacée…

Le vrai challenge est de séparer sa vie pro de la vie de famille. Dans un petit appartement, c’est mission quasi impossible…

Lukino et moi avions fait le choix de vivre en périphérie (lui en lisière de Montpellier, nous dans un quartier proche de Viroflay) et dans des espaces plus grands qu’en centre-ville…

C’était une option volontaire pour s’épargner du temps de transport et s’occuper de nos gamins.

As-tu un ouvrage préféré ? Un livre qui t’a marqué et que tu aimerais faire partager ?

Deux récits de voyage que j’apprécie particulièrement, celui de Patrick Leigh Fermor pour Dans la nuit et le vent (978-2875230973) qui relate sa traversée de l’Europe à pied avant guerre et dresse un tableau sensible d’un monde qui a littéralement disparu.
Ou l’épatant Au coeur de Bornéo (978-2228894418), récit qui me met de bonne humeur à chaque fois que je le relis, ouvrage écrit par Redmond O’Hanlon, véritable scientifique et auteur trop méconnu !